Les Maires de l'Ardèche se sont réunis lors de leur congrès annuel ce samedi 16 octobre à Aubenas. Les débats ont été nourris et riches. Nombreux, pour ne pas dire plus, sont les maires à avoir fait part de leurs inquiétudes. Je comprends ces inquiétudes et les partage. J'ai eu l'occasion de le dire. Comme mes collègues Yves Chastan, Michel Teston et Pascal Terrasse, j'ai constaté une ambiance particulière marquée par les inquiétudes mais aussi par l'absence (à l'exception du Maire d'Aubenas) de tous les conseillers generaux de la droite départementale, le député UMP du Sud Ardèche et le conseiller régional UMP étaient eux présents mais ont quitté la salle au moment où le Président du Conseil Général prenait la parole, sans revenir pour l'intervention du Préfet.
D'une part, la réforme des collectivités locales, dont l'examen en commission mixte paritaire a été repoussé au 3 novembre, est un réel sujet d'inquiétude. Pour ce qui concerne un département comme l'Ardèche, au-delà de la création du conseiller territorial qui apparaît comme une hérésie aux yeux de presque tous, c'est la question de l'encadrement des compétences et des financements qui suscite le plus de craintes. Les articles 35, 35bis, ter et quater ont été réintroduits dans le texte lors de l'examen à l'Assemblée Nationale alors que le Sénat les avait écarté à une très large majorité rassemblant au-delà des clivages politiques.
Ces articles, modifiés par rapport à la volonté initiale du Gouvernement, prévoient trois choses. La première est que les départements et les régions ne pourront plus intervenir en soutien aux communes en dehors de leurs compétences propres départementales et régionales, sauf si l'on arrive à prouver « l'envergure départementale ou régionale » du projet. C'est dire combien il sera difficile aux départements et aux régions de continuer à aider autant les communes et les intercommunalités. La deuxième est que pour toutes les communes de plus de 3 500 habitants (et les EPCI de plus de 50 000), il ne sera plus possible de cumuler une aide de la Région et une aide du Département. Là encore, c'est préoccupant dans la mesure où souvent ces communes de plus de 3 500 habitants exercent les fonctions de villes centres de bassins de vie et doivent faire face à des besoins importants, notamment en matière d'équipements culturels ou sportifs. Enfin, la troisième chose est qu'il sera obligatoire pour les communes de plus de 3 500 habitants (et les EPCI de plus de 50 000) d'apporter au minimum 30% du financement de tous les projets qu'elles porteront. Les seules dérogations concernant la rénovation urbaine, le patrimoine classée et les travaux liés à des catastrophes naturelles pour lesquels le Préfet pourra accorder une dérogation. Avec ces seules dispositions le projet de réforme des collectivités est de nature à créer de l'inquiétude chez les élus.
Cette inquiétude est d'autant plus forte que ces annonces se télescopent avec d'autres. En présentant la loi de finances pour 2011, le Ministre du Budget a confirmé que les dotations aux collectivités locales seront gelées et cela va se traduire par une baisse de la DGF notamment pour 20 à 25 000 communes. De plus, la fusion de la Dotation Globale d'Equipement et de la Dotation de Développement Rural en une Dotation unique d'Equipement des Territoires Ruraux pose de nombreuses questions sur les critères d'éligibilité à cette dotation et le périmètre exact des actions qu'elle pourra financer. Questionnement d'autant plus fort que d'ores et déjà, les crédits alloués à la DETR pour les communes sont en baisse de 8 millions d'euros par rapport à 2010. La hausse d'environ 50 millions d'euros de la Dotation de Solidarité Rurale (DSR) ne compensera pas les risques courus par ailleurs par les collectivités.
Lorsque le Gouvernement affirme que les dépenses des collectivités ont progressé, hors transferts de compétences, de 40% entre 1983 et 2008, il semble oublier qu'il évoque une période de 25 ans au cours desquels l'inflation a été en moyenne de 2% par an. La hausse mécanique des prix, à ce rythme et sur une période aussi longue relativise la hausse affichée. Il oublie aussi qu'indépendamment des transferts de compétences nouvelles, les collectivités ont du pallier un désengagement de l'Etat dans ses propres compétences. De même, le Gouvernement affirme que ses dotations aux collectivités ont augmenté en moyenne de 2.3% par an, soit plus que l'inflation. Il oublie là encore un élément important qui est que cette hausse des dotations de l'Etat est en grande partie due à la compensation des allégements de fiscalité locale que le Gouvernement avait lui-même décidé. C'était par exemple le cas lors de la suppression de la part "salariale" de la taxe professionnelle en 1999. En 2010, les dégrevements de fiacalité locale accordés par le Gouvernement, sur les recettes des collectivités, sont de 19 milliards et les compensations d'exonérations de 2 milliards.
Le gel à proprement parlé ne s'applique en réalité que sur 50.4 milliards ue concerne la mission budgétaire "relations avec les collectivités". (sur les 98 milliards de versements de l'Etat aux collectivités locales). Il faut aussi préciser que le produits des amendes de polices (soit 640 millions d'euros) pour permettre aux collectivités d'entire le plus grand profit (au risque de l'impopularité). De même, la Dotation de Compensation de la Réforme de la Taxe Professionnelle est traitée en dehors de ce périmètre gélé pour environ 3 milliards d'euros. Enfin, le FCTVA, dont le montant dépend du niveau d'investissement des collectivités, n'est pas dans l'evnveloppe normée.
Dans le même temps, l'article 65 du projet de loi de finances vient réduire les avantages accordés aux entreprises et aux associations installées dans les Zones de Revitalisation Rurale. Il est prévu par le texte de limiter les exonérations de charge à 10 emplois par structures. Cela est particulièrement dangereux pour le secteur associatif du service à la personne, que ce soit les associations salariant des aides à domicile que les établissements d'accueil de personnes âgées. Dans un autre domaine, la baisse de 12% des crédits d'intervention de l'Etat dans le domaine de la politique de la ville, via les CUCS, est un autre signe de baisse des moyens et de risque d'étranglement des collectivités et des territoires.
Face à ces inquiétudes, il était difficile au représentant de l'Etat, comme à celles et ceux qui défendent le Gouvernement, d'apporter des réponses rassurantes. Pour une raison simple, il n'y a rien en l'état des textes qui puissent rassurer les élus locaux sur l'avenir de leurs collectivités. Tous les engagements à un réexamen ultérieur des textes adoptés ne sont, en plus, pas crédibles dans la mesure où le Gouvernement n'a pas tenu sa parole pour la clause de revoyure promise au Sénat en matière de Taxe Professionnelle. Enfin, l'incertitude et le flou incroyable dans lequel sont votées les politiques d'abattement des communes et des EPCI à la suite du transfert de la part départementale de taxe d'habitation anciennement perçe par le Département, viennent renforcer ce sentiment d'incertitude et le manque de visibilité.
Les collectivités représentant moins de 10% du total de la dette publique. Elles ont à exercer des missions que l'Etat n'assure plus. Elles doivent faire face à des besoins sociaux croissants et une demande de services accentués par les désengagements de l'administration centrale. Or, aujourd'hui, elles sont considérées et traitées comme les responsables de la crise des finances publiques. C'est injuste et dangereux pour l'économie lorsque l'on sait que les collectivités représentent aussi 75% de l'investissement public.
Les commentaires récents