Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste, évoque son rôle et son soutien au candidat à la présidentielle dans une interview publiée dans Libération le 7 décembre 2011. J'ai plaisir à la retranscrire ici et vous invite à en prendre connaissance.
De retour à la tête du Parti socialiste, Martine Aubry analyse les enjeux de la crise et ceux de la campagne de François Hollande, son ex-rival de la primaire.
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel présentent leur accord pour un nouveau traité comme un sauvetage de l’euro et de l’Europe, qu’en pensez-vous ?
Se lancer dans une révision des traités est aussi inefficace qu’inutile. Inefficace car on ne maîtrise ni le délai de révision ni l’issue de la révision d’un traité : c’est maintenant qu’il faut agir. Inutile car des réponses existent sans révision des traités. Et aussi dangereux parce que par cette réforme, le duo Sarkozy-Merkel veut accroître la mainmise de la technocratie et des marchés sur les citoyens. Il veut une Europe technocratique et libérale. Avec François Hollande, nous défendons une Europe démocratique, économique et sociale. La responsabilité, c’est de faire ce qui aurait dû être fait depuis 2008 : éteindre la spéculation contre les états endettés, grâce aux euro-obligations et à l’intervention de la BCE, et instaurer sans délai la taxe sur les transactions financières qui permettra de financer des investissements d’avenir et la réduction des déficits.
Y a-t-il un risque de rouvrir pendant la présidentielle le clivage entre partisans du oui et du non à gauche ?
Au Parti socialiste, ce débat est derrière nous. Nous sommes tous d’accord pour donner à l’Europe une autre direction, des institutions responsables devant le peuple, un vrai gouvernement économique pour l’emploi et pour préparer l’avenir, une harmonisation fiscale et sociale, et une protection commerciale de nos entreprises et de nos emplois en imposant des règles de réciprocité aux pays qui nous font de la mauvaise concurrence en ne respectant pas les normes sociales et environnementales. Ceux qui à droite rouvrent ce débat pour des raisons électoralistes laissent à penser que l’Europe est impuissante à agir, ce qui fait le lit du Front national, alors que nous, nous croyons à la capacité du politique de reprendre en main notre destin. Depuis le début de la crise, l’Europe n’a vu que des pompiers et des comptables, agissant tardivement et insuffisamment, alors qu’elle a besoin d’architectes et de vision politique.
Vous dénoncez une abdication de Sarkozy face à Merkel. Il n’y a donc rien à sauver du modèle économique allemand…
J’aurais aimé que M. Sarkozy s’inspire de l’Allemagne quand elle soutient ses PME, quand elle booste sa recherche et la formation de ses salariés, quand elle finance le chômage partiel pour sauver les emplois. Il n’a malheureusement pas choisi de retenir ce qui est positif dans le modèle allemand, mais de s’aligner sur la libérale Mme Merkel. L’Europe a besoin d’une amitié franco-allemande, mais aussi de deux pays qui se parlent d’égal à égal, et qui sont ouverts aux autres. Nous en sommes loin.
Le futur traité prévoit des règles d’or renforcées dans les Etats membres et Nicolas Sarkozy souhaite une union nationale pour la voter. Le PS peut-il refuser ?
La règle d’or, c’est la même histoire que la révision des traités : on veut nous faire croire que l’on ferait demain ce qu’on n’a pas fait depuis des années. La droite a doublé la dette. M. Sarkozy a distribué 75 milliards de cadeaux fiscaux sans en avoir le financement, et en faisant payer toutes ses largesses par une cure d’austérité infligée aux classes populaires et moyennes. Le pays et l’Europe n’ont pas besoin de nouvelles batailles juridiques sur des règles qui s’appliqueront demain ou après-demain, mais d’une bataille économique contre la récession et le chômage, aux côtés d’une réduction de la dette.
A peine l’accord franco-allemand connu, Standard and Poor’s annonce qu’il s’apprête à dégrader de deux crans le triple A de la France. Est-ce mérité ?
Aucun responsable ne peut souhaiter une dégradation de la note de notre pays. Ce sont d’ailleurs les Français qui en subiraient les conséquences par une augmentation des taux d’intérêt. Ce qui est clair, c’est qu’aujourd’hui la France est affaiblie par une mauvaise gestion financière et par une mauvaise politique économique. Il faudrait en changer et pourtant le Président persiste dans des politiques de stricte austérité qui nous mènent au mur.
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