1°) Le 23 juillet 2013, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles dont vous êtes le rapporteur, désormais transmis au Sénat. Quelles ont été selon vous les améliorations principales apportées par l’Assemblée nationale ?
Tout d’abord, je me félicite de la manière dont se sont déroulés les débats à l’Assemblée. Tant en commission que dans l’hémicycle, les échanges ont été longs et denses, mais ils sont restés courtois et constructifs, alors que les textes qui concernent l’organisation publique territoriale sont généralement mobilisateurs et font rarement consensus.
Ces débats ont permis deux choses. D’une part, les avancées obtenues au Sénat ont été conservées, parfois même améliorées. Je pense par exemple au transfert de la gestion des fonds européens aux régions. D’autre part, la première lecture à l’Assemblée a enrichi le projet de loi, en introduisant de nouvelles dispositions, en réécrivant en profondeur certains articles et en avançant sur des sujets sensibles comme le Grand Paris.
Ainsi, le texte s’est enrichi du Haut Conseil des Territoires, organe assurant la concertation entre l’Etat et les collectivités territoriales demandé depuis longtemps par l’APVF, ainsi que du Conseil national d’évaluation des normes, qui reprend les principales dispositions de la proposition de loi dite « Sueur Gourault », adoptée au Sénat en janvier dernier.
Le rôle de la conférence territoriale de l’action publique a été renforcé et son fonctionnement simplifié. Sa fonction sera d’élaborer des conventions de partenariat, afin de rationaliser l’action publique quand les compétences sont exercées par plusieurs niveaux de collectivité, tout en veillant à n’instaurer aucune tutelle entre le chef de file et ses partenaires. Sa composition a également été revue pour rendre la CTAP moins pléthorique tout en permettant aux petites villes d’être représentées.
Nous avons créé la métropole du Grand Paris, qui sera un EPCI à statut particulier regroupant Paris et l’ensemble des communes de la petite couronne. Le régime de la métropole de Lyon, collectivité territoriale à statut particulier, a été affiné. Les dispositions spécifiques à la métropole d’Aix-Marseille-Provence ont été votées conformes, ce qui entérine la création de ce grand EPCI.
Enfin, les pôles ruraux d’aménagement et de coopération, introduits par le Sénat, deviennent les pôles d’équilibre et de coordination territoriaux. Sur la forme, ce changement d’appellation a du sens car ces nouvelles structures de coopération n’auront pas vocation à être présentes uniquement dans les territoires ruraux. Sur le fond, ces pôles d’équilibre, juridiquement plus sûrs, ont pour objectif de se substituer à terme aux pays.
2°) En ce qui concerne les métropoles, les maires de petites villes demeurent sceptiques, voire inquiets sur deux points : ces futurs ensembles seraient créés automatiquement et non plus selon le droit commun, et les conseillers métropolitains seraient, pour partie, élus directement à l’échelle de la métropole, et non plus des communes membres. Pensez-vous que le texte final permettra de trouver un équilibre plus satisfaisant ?
Je comprends les inquiétudes des maires des petites villes et je tiens à les rassurer.
Le texte présenté par le Gouvernement prévoyait une double automaticité : la création en métropoles des EPCI à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 500 000 habitants et le transfert des compétences des départements aux métropoles à compter du 1er janvier 2017.
La combinaison de ces deux automaticités soulevait beaucoup de questions et d’oppositions. C’est la raison pour laquelle nous avons opté à l’Assemblée pour une unique automaticité : la création en métropoles des EPCI à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Nous sommes ainsi parvenus à un équilibre plus satisfaisant que le texte initial. La création automatique en métropoles garantira le succès de cette nouvelle catégorie d’EPCI, contrairement à la réforme de 2010. Dans le même temps, les départements et les régions ne seront pas contraints de transférer leurs compétences. Cela ne sera que facultatif.
Concernant l’élection d’une partie des conseillers métropolitains au suffrage universel direct, c’est un débat intéressant. Les métropoles sont des EPCI très intégrés et aux larges compétences. La question de la légitimité de ses représentants se pose. C’est la raison pour laquelle une partie des conseillers métropolitains sera élue directement à l’échelle de la métropole en 2020, tout en veillant à ce que chaque commune soit représentée. C’est, de fait, un renforcement du fait intercommunal. Mais ce n’est pas la disparition du fait communal : les communes restent un échelon indispensable de notre organisation territoriale.
3°) Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit la création d’un Haut Conseil des Territoires. Sa composition et son mode de fonctionnement, tels qu’ils sont prévus, permettront-ils vraiment aux élus locaux de disposer d’un nouvel outil pour être entendus ?
Sur mon initiative, l’Assemblée nationale a décidé de rapatrier le Haut Conseil des Territoires du troisième projet de loi au premier projet de loi. C’était aussi le souhait de la plupart des associations d’élus. Le premier projet de loi a pour objectif de moderniser et de rationaliser l’action publique territoriale, c’est la raison pour laquelle les articles sur la CTAP et les chefs de filât s’y trouvent. Il aurait donc été incohérent de laisser les dispositions sur le HCT dans le dernier texte.
La rédaction actuelle de l’article permet déjà de répondre aux principales interrogations. Tout d’abord si le HCT compte 70 membres dans sa formation plénière, sa formation permanente, qui aura vraisemblablement un caractère plus opérationnel, ne comptera de 18 membres. Ensuite, il serait inconstitutionnel de donner au HCT un pouvoir d’injonction à l’égard du Gouvernement. Mais le débat parlementaire n’est pas terminé. La deuxième lecture va débuter au Sénat et nul doute que l’article 1er AA sera amendé, notamment sur la composition du HCT, son mode de saisine et ses compétences.
Dans sa version actuelle, le HCT est appelé à devenir l’instance nationale de dialogue, de négociation et de concertation entre les exécutifs locaux, le Gouvernement et les parlementaires, en amont de l’adoption des textes législatifs et réglementaires. Il est d’autant plus important de créer le HCT, qu’il sera en cohérence avec la fin du cumul des mandats. En 2017, le Haut Conseil des Territoires sera le principal outil dont disposeront les élus locaux pour coopérer avec l’exécutif sur sa politique territoriale.
4°) Le Gouvernement a décidé de scinder la réforme territoriale en trois projets de loi distincts. Comment se présente la discussion parlementaire sur les deux autres textes, et notamment le troisième, qui prévoit d’accroître les compétences obligatoires des EPCI ?
Je ne trahis pas un secret en disant que la majorité des députés ont regretté le séquençage de la réforme territoriale en trois projets de loi distincts. Un seul texte aurait permis une meilleure lisibilité au débat et plus de cohérence dans son examen. Toutefois, quand je repense à la densité en première lecture des débats sur le premier projet de loi, je me dis qu’il aurait été très complexe d’examiner la réforme territoriale d’un seul tenant. De plus, comme je l’ai déjà évoqué, plusieurs dispositions ont été rapatriées des deuxième et troisième projets de loi vers le premier texte.
Pour répondre à votre question, le premier projet de loi sera vraisemblablement voté au mois de novembre. L’objectif du Gouvernement est que le Parlement adopte le deuxième projet de loi avant les élections municipales de mars prochain. L’examen du troisième projet de loi débuterait donc au plus tôt au second semestre 2014.
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