« Avec l’aimable autorisation d’AEF Habitat et Urbanisme – www.aulh.info ». Par Emilie Buono, dépèche publiée le 4 novembre 2013
« Si tout est confirmé, le texte [de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles] devrait revenir à l'Assemblée en commission la dernière semaine de novembre ou la première de décembre, et en séance la semaine du 10 décembre », fait savoir son rapporteur, Olivier Dussopt (SRC, Ardèche). Dans un entretien avec AEF Habitat et Urbanisme, mardi 29 octobre 2013, il livre les mesures sur lesquelles l'Assemblée entend revenir lors de son examen du texte en deuxième lecture et revient sur les « points de divergence » avec le Sénat, notamment sur la métropole du Grand Paris (1). « Je souhaite qu'[elle] retrouve un bloc de quatre grandes compétences », pour « que cela marche et qu'on puisse répondre aux besoins quotidiens des Franciliens, notamment en matière de logement et de transports », explique-t-il.
AEF Habitat et Urbanisme : Pouvez-vous nous préciser le calendrier de discussion du projet de loi ?
Olivier Dussopt : C'est encore sous réserve, car la conférence des présidents n'a pas arrêté l'ordre du jour pour le dernier trimestre 2013, mais si tout est confirmé le texte devrait revenir à l'Assemblée nationale en commission la dernière semaine de novembre ou la première de décembre, et en séance la semaine du 10 décembre. Ensuite, il y aura une CMP. Mais l'objectif est que tout soit voté avant la suspension des travaux [le 23 décembre], y compris pour des questions de facilité liées à la gestion des fonds structurels européens qui sont transférés aux régions au 1er janvier.
AEF Habitat et Urbanisme : Comment envisagez-vous cette CMP ?
Olivier Dussopt : Je ne peux pas préjuger du vote de la CMP. Mais le Sénat a adopté un texte qui nous convient sur plusieurs aspects. C'est un texte qui ferme la discussion sur un certain nombre d'articles, adoptés conformes dans les deux chambres. Sur la gouvernance, il maintient l'existence des conférences territoriales de l'action publique, même si nous ne sommes pas d'accord à ce stade avec le Sénat sur leur rôle et leurs fonctions et sur les conséquences des conventions que nous voulons voir discuter en CTAP. Enfin, le Sénat a adopté un texte qui valide le modèle proposé par l'Assemblée d'un EPCI unique pour la petite couronne [francilienne]. Nous ne sommes pas d'accord sur les compétences que les sénateurs lui ont données mais le texte a été voté avec cet EPCI unique, on ne peut que se féliciter de cette convergence progressive vers une solution qui soit la plus partagée possible.
AEF Habitat et Urbanisme : Malgré tout, des élus locaux franciliens s'opposent et réclament notamment une personnalité juridique pour les conseils de territoires. Certains parlent même de « coup de force des députés socialistes »…
Olivier Dussopt : On ne peut pas reprocher aux députés de faire la loi ! L'argument qui consiste à dire, et qui a été développé avec des mots assez scandaleux, que c'est un 'putsch' ou un 'coup de force parlementaire' ne tient pas. Les parlementaires ne font ni l'un ni l'autre, ils sont légitimes à légiférer lorsqu'ils sont majoritaires. Et sur cette question de l'EPCI, si coup de force il y a, c'est un coup de force de l'Assemblée et du Sénat puisqu'il a aussi validé ce modèle-là.
Pour ce qui est des conseils de territoire, je ne suis pas persuadé que [leur donner une personnalité juridique] soit la bonne solution. D'autant que l'appartenance d'une même commune à deux EPCI à fiscalité propre n'a jamais été une règle de droit dans ce pays. Notre objectif est qu'il y ait un seul EPCI, qui exerce des compétences mais qui puisse, pour des questions d'efficacité, de proximité, d'organisation, en déléguer (et non pas transférer) une partie aux conseils de territoire. Il y a un débat sur la nature juridique de ces derniers. Deuxième chose, on ne peut pas imaginer une simplification du paysage institutionnel en créant une couche supplémentaire au fameux mille-feuilles. On cherche donc encore la bonne formule, et en même temps j'entends la gêne que cela peut occasionner chez certains élus locaux qui depuis une dizaine d'années ont construit des intercommunalités en petite couronne. Il faut que l'on tienne compte de ces dynamiques territoriales, et se mettre en tête que l'on crée une architecture nouvelle.
AEF Habitat et Urbanisme : Qu'en est-il des compétences de cette métropole ? Le Sénat les a fortement restreintes, notamment en matière de PLH et de PLU (AEF Habitat et Urbanisme n°12118)…
Olivier Dussopt : Pour Marseille, la loi précise, compétence par compétence, ce qui est déléguable ou pas aux conseils de territoire. Je pense que c'est le bon modèle car cela permet d'avoir une lisibilité. Dans la mesure où la loi réserve un traitement particulier à Paris, Lyon et Marseille, il faut assumer le fait qu'elle dise pour chacune de ces trois métropoles quelles sont leurs compétences, et celles qui sont déléguables ou pas, quitte à répéter un certain nombre de choses précisées à l'article 31 [sur les métropoles de droit commun].
Je souhaite que la métropole de Paris retrouve un bloc de quatre grandes compétences, autour du logement et de l'urbanisme ; des transports ; du développement économique et de l'aménagement, et enfin de l'environnement. L'Assemblée est plus favorable à une métropole qui est plus opérationnelle et qui a plus de pouvoirs, notamment en matière d'urbanisme et de foncier. C'est bien de dire que la métropole peut travailler sur le logement, mais si on ne la dote pas de tous les outils et de toutes les compétences, elle n'y arrivera pas. Je pense donc qu'on va modifier ce qui a été fait au Sénat, même si les arbitrages ne sont pas encore tout à fait calés.
Comme rapporteur, ce qui m'intéresse sur le Grand Paris aujourd'hui, c'est que cela marche et qu'on puisse répondre aux besoins quotidiens des Franciliens, notamment en matière de logement et de transports. Pour cela, il faut le préparer très correctement, et je suis très attentif aux compétences que l'on va donner à la mission de préfiguration. Elle devra notamment réfléchir au périmètre, aux compétences métropolitaines, au calcul des allocations de compensation financière. Et il y a un gros travail à faire pour que les quelque milliers de fonctionnaires que représente cette métropole soient rassurés, sur la question de leur avenir professionnel et de leur statut.
AEF Habitat et Urbanisme : Le Sénat a modifié le périmètre de cette métropole, en supprimant la possibilité pour les agglomérations limitrophes situées dans la grande couronne de l'intégrer, et précisant que l'intégration des communes situées en grande couronne et membres d'un EPCI comprenant au moins une commune en petite couronne n'est pas automatique (AEF Habitat et Urbanisme n°12117). Reviendrez-vous également sur ces dispositions ?
Olivier Dussopt : Nous travaillons actuellement avec les parlementaires franciliens, ainsi que ceux du groupe socialiste et le gouvernement, pour proposer des améliorations de la rédaction sur le périmètre, afin d'y voir clair et d'éviter la tache d'huile. Il faut trouver un équilibre entre ce qui permettra à des intercommunalités limitrophes de la métropole (qui objectivement relèvent de la dynamique métropolitaine) d'en faire partie, mais aussi trouver de la stabilité. Soit on ferme les frontières avec la petite couronne, soit on trouve un modèle un peu évolutif, mais qui doit être borné dans le temps.
AEF Habitat et Urbanisme : Le Sénat est revenu sur plusieurs dispositions du titre Ier, supprimant notamment le Haut conseil des territoires (AEF Habitat et Urbanisme n°12102). Qu'entendez-vous faire en deuxième lecture ?
Olivier Dussopt : Nous avons la ferme intention de le réintroduire dans le texte. Je ne suis pas convaincu par l'argumentaire avancé par les sénateurs, qui consistait à dire que le rôle du Haut conseil était celui du Sénat. Je pense qu'on ne peut pas aujourd'hui se passer de cette instance : c'est enfin l'occasion d'avoir un lieu fédérateur de débat entre les exécutifs locaux et le gouvernement. En outre, il est prévu d'intégrer au HCT deux sections spécialisées, le CFL et le futur CNEN, qui a de vrais pouvoirs. Et le gouvernement propose de doter le HCT des moyens suffisants pour disposer d'un véritable observatoire des politiques locales et des collectivités locales. C'est donc un outil très important, et qui est attendu par la plupart des associations d'élus.
AEF Habitat et Urbanisme : La position du Sénat sur les métropoles de droit commun diffère également de celle de l'Assemblée…
Olivier Dussopt : En effet.Globalement, nous sommes d'accord sur la question des compétences, sauf en matière d'énergie. Le Sénat a réintroduit des dispositions pour faire des métropoles les autorités organisatrices de l'énergie, que nous avions supprimées à l'Assemblée. Nous considérons qu'une loi de transition énergétique va être débattue l'an prochain et qu'il serait catastrophique de voter des dispositions sur ce terrain-là en prenant le risque qu'elles soient modifiées dans quelques mois.
Mais nous avons une vraie divergence sur deux autres sujets. D'une part, la majorité à l'Assemblée considère que, dès lors que l'on donne autant de compétences à une métropole, la question démocratique doit être posée. D'où l'amendement qui avait été voté pour prévoir l'élection de la moitié des conseillers métropolitains au suffrage universel direct. D'autre part, nous considérons normal que la création d'une métropole soit automatique (et passe par décret) dès lors que les conditions sont remplies. Nous pensons que le volontariat en la matière est une des raisons de l'échec de la loi de 2010 [de réforme des collectivités].
Enfin, le Sénat a renforcé les compétences transférées aux intercommunalités en matière de gestion des milieux aquatiques, et en particulier sur la protection contre les inondations, et a créé une taxe additionnelle pour financer cette nouvelle compétence. Je ne suis pas certain que la majorité parlementaire, et le groupe socialiste en particulier, ait à coeur d'adopter une taxe additionnelle de 600 millions d'euros le 10 décembre… Nous aurons donc un vrai débat. Et par ailleurs, j'ai reçu une copie d'un courrier envoyé par de nombreuses associations d'élus au Premier ministre, qui considèrent que les dispositions adoptées par le Sénat en l'état ne sont pas suffisamment réfléchies et demandent qu'elles soient retirées du texte et fassent l'objet d'une proposition de loi ou un projet de loi distinct. C'est une position que je partage. Mon état d'esprit est donc plutôt de revenir à l'écriture de l'Assemblée sur les articles 35 B et 35 C.
AEF Habitat et Urbanisme : Vous êtes également rapporteur pour les deux autres projets de loi de décentralisation. Quand seront-ils débattus au Parlement ?
Olivier Dussopt : Le deuxième texte sur les régions et les départements devrait faire l'objet d'un examen en 2014, mais je ne sais pas dire si c'est avant ou après les municipales. Une partie de ce texte sera traitée par ailleurs, notamment les dispositions relatives à la formation professionnelle, qui pourraient faire l'objet d'un texte spécifique.
S'agissant du troisième projet de loi… nous avons rapatrié le HCT dans le premier texte, le PLUI est dans le projet de loi Alur, et plusieurs dispositions (sur les compétences sociales, la montée en puissance en terme d'intégration communautaire, ou encore la transparence et le contrôle des comptes des collectivités) peuvent à mon sens être intégrées dans le deuxième texte. Au vu du calendrier parlementaire, personne ne sera fâché de n'avoir que deux textes à examiner si cela permet d'aller plus vite sur la mise en oeuvre de la réforme.
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