Audrey Azoulay, Ministre de la culture et de la communication était à Annonay ce lundi 25 avril et j'ai eu plaisir à l'accueillir aux côtés notamment d’Hervé Saulignac, Président du Département, de Simon Plenet, Président d’ Annonay Agglo et de Stéphanie Barbato Vice-Présidente du Département.
Nous avons visité ensemble le centre nationale des arts de la rue situé à Boulieu-les-Annonay où nous avons notamment pu découvrir le travail réalisé chaque jour par l’équipe de l’APSOAR pour la création et la diffusion de cet art en Nord Ardèche, mais également rencontrer les artistes actuellement en résidence pour préparer le spectacle Possédés de Gaspard Hublot.
Ensuite, c’est à la chapelle Sainte-Marie que nous sommes allés rencontrer Abou Lagraa, directeur et chorégraphe de la compagnie la Baraka qui s’installera prochainement dans ce lieu désacralisé depuis 1995, qui offre un cadre magnifique dans le cœur historique d'Annonay. Ce fut l'occasion d’échanger sur les projets de la compagnie et pour le bassin puisque ce sont 6 emplois qui seront créés dans le centre historique d’Annonay.
Enfin, c’est en mairie d’Annonay que s’est clôturée cette journée de visite. De nombreux acteurs culturels de notre bassin avaient répondu à l'invitation pour échanger avec une ministre accessible, directe et au fait de ses dossiers. Vous trouverez ci-dessous l'intervention que j'ai prononcée à cette occasion :
Bienvenue Madame la Ministre à Annonay.
Merci de nous faire l’honneur de votre présence dans le cadre de vos visites des structures de diffusion et de création culturelle sur l’ensemble du territoire, et merci de conclure ici votre visite en Drôme et en Ardèche.
Vous avez pu en cette fin d’après-midi découvrir le site qui accueille le conservatoire national des Arts de la Rue à Boulieu-les-Annonay puis la chapelle Ste-Marie – désacralisée depuis des décennies – qui a vocation dans le cadre du contrat de plan Etat-Région à accueillir la compagnie La Baraka que dirige Abou Lagraa, et ainsi à contribuer à la requalification du cœur historique de notre ville en lien avec l’installation dans les rues voisines d’une pépinière d’artisans d’art.
Annonay, comme son bassin, est une ville industrielle. Industrieuse même. Berceau de la tannerie, du charronage, et du papier Canson comme en témoignent nos musées ou l’espace du parchemin labellisé entreprise du patrimoine vivant, elle a toujours construit son économie sur le développement de l’industrie et des savoir-faire.
C’est aussi une ville de culture.
Et vous auriez pu aussi, certes en quelques jours, découvrir la richesse de nos autres acteurs conventionnés avec l’Etat comme la SMAC Ardèche et l’Ile au Large dans le domaine des musiques actuelles, la MJC et son travail remarquable autour du cinéma et du festival du 1er film qui a réuni cette année plus de 21000 spectateurs, le Groupe d’Art Contemporain, la Source qui sous le patronage de Gérard Garouste met la culture au service de l’insertion, mais aussi tous les acteurs associatifs qui, chacun dans leur domaine, contribuent à créer, à accompagner la diffusion et à nourrir la richesse culturelle de notre ville et de son bassin.
Nous sommes fiers de cette richesse et de la possibilité donnée à chacun ici, dans une petite ville à l’échelle nationale, d’accéder à la culture.
La culture, sous toutes ses formes, fait partie de notre vie et nous considérons, avec la communauté d’agglomération qu’elle est à la fois un élément majeur de l’attractivité de notre bassin, y compris d’un point de vue économique, mais aussi un outil pour casser l’isolement, favoriser les rencontres et les échanges, et finalement contribuer à ce que les différences soient mieux comprises et moins appréhendées.
Et, à une époque où ressurgissent les peurs, la haine et le rejet des autres, dans un contexte de difficultés économiques sociales, la culture nous rassemble et nous rapproche.
En cela nous faisons notre l’affirmation assez pascalienne de Nietzche lorsqu’il dit que « nous avons l’Art pour ne pas mourir de la Réalité ».
Je cite Nietsche à dessein. Non pas pour émailler mon propos d’une citation mais parce que cela renvoie à une autre conviction. Celle qui place la Culture est au cœur de la promesse républicaine de progrès et d’égalité.
Nous sommes en effet, ici, à Annonay, convaincus que la culture est un des plus beaux outils et un des leviers les plus puissants pour rétablir autant que possible l’égalité des chances.
Nous le savons toutes et tous : les meilleures chances de réussite scolaire, et donc professionnelles sont données à celles et ceux qui disposent d’un capital social et culturel fourni, et en cela les conditions économiques et sociales sont donc déterminantes pour faire face au mode de sélection de notre système scolaire et universitaire.
C’est là tout le sens de notre engagement en faveur de l’éducation populaire et de l’accès de toutes et tous à la culture.
C’est là aussi que les militants de l’éducation populaire et de la culture trouvent l’énergie et l’enthousiasme de leur travail et de leur militantisme.
Nous sommes convaincus, et nous l’avons encore récemment démontré en signant avec l’Etat un pacte culturel, que le rôle des collectivités et de la puissance publique est majeur.
Nous sommes convaincus que la qualité de la programmation publique de l’Agglomération, que la présence de bibliothèques de qualité, que le soutien que la Ville apporte aux acteurs culturels pour la création et la diffusion, que l’engagement de ces derniers pour un véritable aménagement culturel du territoire sont autant de pierres apportées à un édifice : celui de la lutte et du combat pour casser les déterminismes sociaux qui voudraient enfermer chacune et chacun dans un destin écrit à l’avance et, pour les plus jeunes, un destin conditionné par le milieu social et économique dans lequel ils évoluent, conditionné par le mode ou le niveau de vie des familles dans lesquelles ils naissent et grandissent.
C’est pour nous la condition essentielle à la mobilité sociale et à la possibilité de l’émancipation tant individuelle que collective.
Annie Ernaux, dans son dernier roman « Mémoire de Fille », évoque celles et ceux qui passent d’une catégorie sociale à une autre en utilisant pour la première fois dans un de ses ouvrages le terme de « transfuges ».
Elle cherche depuis des années, et singulièrement depuis la publication de « La Place » à cerner et nommer ces parcours et leurs difficultés, leurs angoisses et leurs malaises.
Et elle aboutit aujourd’hui à ce terme de « transfuge » pour souligner tant la transition, que la fuite mais aussi l’impossibilité de rompre totalement avec son milieu d’origine.
Ouvrage après ouvrage, elle montre que la culture – tant par sa découverte que par l’accès aux savoirs et aux références – est à la fois un obstacle et une passerelle.
Parce que c’est un obstacle, ici et avec vous Madame la Ministre, notre action et notre engagement n’ont qu’un but : donner à toutes et tous les clefs pour en percer le mystère et les moyens de le contourner.
Parce que c’est une passerelle, nous devons aussi travailler toutes et tous pour que chacune et chacun puisse l’emprunter sans jamais en être empêché.
C’est notre engagement et je voulais ce soir le partager avec vous, et avec celles et ceux qui ici y contribuent.
Je le fais d’autant plus facilement que je sais votre adhésion à cette belle idée de l’égalité, à ce bel objectif qu’est l’émancipation, et votre présence aujourd’hui après de celles et ceux qui les font vivre en est l’illustration.
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